Le pouvoir de (re) nommer: la toponymie comme enjeu politique

Abstract

L’acte de nommer n’étant jamais neutre, la nomination des lieux est bel et bien un outil politique qui convoque, invoque ou évoque des réalités diverses selon le système interprétatif de chaque locuteur-récepteur (Périès: 2000). En effet, le nom propre de lieu révèle des rapports de force tout en participant à la construction des mémoires collectives. La politisation dérive de l’imposition d’un ordre établi et d’un système de représentations et de hiérarchisation des dénominations. La toponymie découle ainsi des contextes socio-politiques particuliers qui influencent fortement la création, la conservation, la transformation ou l’abandon de certains noms au profit d’autres. Convaincue que la toponymie « approprie les lieux, les espaces par le jeu des adresses, des repères, des référents » (Giraut et Houssay- Holzschulch, 2023: p. 4), nous essaierons de montrer dans quelle mesure elle dévoile des enjeux divers qui cristallisent notamment des tensions entre les valeurs et/ou les identités mises en exergue ou passées sous silence. Après avoir exposé la théorie du dispositif toponymique de Giraut et Houssay-Holzschuch, nous nous appuierons sur des exemples tirés des contextes français et argentin afin de percer à jour les stratégies de dénomination et de re-nomination des espaces devenus des territoires de lutte symbolique des deux côtés de l’Atlantique.